Exerçant le métier de journaliste depuis 2006, Pierre Maurer travaille actuellement à Strasbourg pour Radio Dreyeckland après avoir collaboré avec une télévision alsacienne durant trois ans. Soucieux du respect de la liberté d’expression, il insiste sur l’obligation faite à tous de l’utiliser à bon escient.
Pour vous, qu’est-ce que la liberté d’expression?
Pierre Maurer : La liberté d’expression permet d’exprimer sa propre opinion, de manifester son désaccord. Elle garantit donc les bases de notre démocratie. En même temps, la liberté d’expression ne signifie pas « dire tout ce qu’on veut » mais au contraire « dire tout ce qu’on peut». Elle nécessite de respecter certaines règles que l’on a parfois tendance à oublier. La liberté d’expression n’est pas la liberté de dénigrer ou d’insulter autrui.
Quelle est la limite de la liberté d’expression?
Il y a une limite fixée par la loi. Il ne faut pas, entre autres, tomber dans la diffamation, l’insulte ou la provocation. Cette obligation vaut autant dans la vie réelle que virtuelle. Aujourd’hui avec Internet, on a un peu trop tendance à se cacher derrière son clavier ou son écran pour dire des choses. Certains en profitent pour propager des idées néfastes ou nuire à d’autres personnes. Mais attention, il ne faut pas oublier que si l’on commet une faute derrière son ordinateur ou dans la rue, on sera puni de la même manière. Il y a de plus en plus de mauvais comportements observés sur Internet qui sont condamnés par la justice.
Les sujets liés à la liberté d’expression sont-ils plus délicats que d’autres à traiter pour les journalistes ?
La liberté d’expression est un sujet délicat par nature. L’évocation de la tuerie de Charlie Hebdo, par exemple, nécessite de faire très attention aux mots que l’on choisit. Ces attentats ont posé la question de la liberté d’expression car tout le monde ne les a pas vécus de la même manière. Beaucoup de personnes les condamnent mais pour des raisons différentes. A l’identique, la très grande majorité des gens sont d’accord avec le principe de liberté d’expression mais n’en ont pas la même interprétation. C’est à ce niveau, je pense, que l’on a encore du travail à faire en France. Notre rôle, à nous journalistes, est d’essayer de donner à tous des clés pour comprendre les choses au plus près de leur réalité.
Avez-vous déjà eu peur ou été menacé dans le cadre de votre métier ?
Non, je n’ai jamais été menacé et c’est d’ailleurs assez rare qu’un journaliste le soit. Le métier comporte néanmoins quelques risques parce que l’on cherche toujours à être au plus près de l’information. Il nous arrive donc parfois d’être au mauvais endroit au mauvais moment Cela peut être chaud, par exemple, lorsque l’on couvre une manifestation qui se termine dans l’agitation, avec des gens qui provoquent la police. Là, on respire du gaz lacrymogène comme les manifestants.
Vous a-t-on déjà imposé un avis ?
Non pas en tant que tel. En revanche, je suis confronté aujourd’hui au fait que beaucoup de personnes confondent le journalisme et la communication. L’objectif de la communication et donc d’un communicant est de faire passer des messages qui, dans 99% des cas, sont positifs sinon ils n’ont pas d’intérêt pour lui. Un journaliste, lui, va essayer de trouver la vérité, de comprendre, de savoir si l’on cherche à lui cacher quelque chose, si un point est négatif. Donc forcément, la pratique du journalisme n’est pas toujours compatible avec les objectifs d’un communicant voulant faire passer un message bien emballé.
L’état d’urgence a-t-il changé quelque chose à votre façon de travailler ?
Je suis amené à traiter davantage de sujets sur la sécurité, comme les actions des forces de l’ordre, les rondes militaires… En couvrant ces sujets, j’essaye de montrer les mesures prises par les autorités au profit de la sécurité de tous mais sans verser dans le psychodrame, c’est-à-dire en ayant soin de ne pas alarmer mes auditeurs pour rien. Je fais en quelque sorte de la pédagogie. Autrement, je n’ai pas changé ma manière de travailler au quotidien à cause de l’état d’urgence. Aucune précaution supplémentaire n’a été prise pour les journalistes du moins dans la presse locale, car nous risquons peut-être moins que nos confrères situés à Paris ou dans certaines zones plus exposées.
Propos recueillis par Sarah Haoual et Jules Driant