Journaliste indépendant, Philippe Wendling collabore depuis dix ans avec divers titres de la presse écrite. Son métier est pour lui l’un des principaux vecteurs de la liberté d’expression. Explications.
Quelle est votre définition de la liberté d’expression au regard de votre profession ?
Philippe Wendling : La liberté d’expression correspond, à mes yeux, à la possibilité de permettre à chacun d’exprimer son avis tant qu’il ne va pas à l’encontre du droit, qu’il ne diffame pas et ne remet pas en cause les libertés d’autrui. La liberté d’expression n’est possible que si en amont la liberté de pensée existe et que si en aval des relais, comme les journalistes, permettent la communication des idées et des opinions. Tant que les choses sont non diffamatoires ou condamnables, tout le monde doit avoir le droit de dire ce qu’il veut. La liberté de la presse et la liberté d’expression sont des droits en France. Elles sont inscrites dans la Constitution et la Déclaration des droits de l’Homme. Elles nous appartiennent et nous nous devons de les défendre car malheureusement tous les citoyens du monde n’ont pas notre chance.
Ce que vous écrivez va dans le sens du plus grand nombre de personnes ?
Non pas obligatoirement puisque je veux que chacun puisse être libre de s’exprimer. Ce n’est pas parce que 99 % des gens disent qu’une chemise est noire que je vais dire qu’elle est noire alors qu’elle est blanche. Je cherche à relater les opinions du plus grand nombre mais cela ne signifie pas que je vais aller dans le sens de la majorité si celle-ci se trompe et que je peux le prouver. Les gens pensent et me disent des choses. A moi de les vérifier et de les confronter à des faits et à d’autres opinions pour être au plus près de la vérité.
Y a-t-il des sujets plus délicats que d’autres à traiter lorsqu’on est journaliste ?
De façon personnelle, les sujets les plus délicats touchent l’intime et l’intimité des gens. J’ai par exemple interviewé les parents et les proches d’un jeune homme qui venait juste de se faire poignarder à mort. On ne veut pas ajouter de la peine à ces gens, les déranger dans des moments difficiles. En même temps, notre travail est de les rencontrer pour obtenir des informations sur les faits, sur la personnalité de la victime… D’autres sujets sont délicats à traiter mais pour des motifs plus terre à terre comme l’obtention d’informations fiables en politique. C’est le cas aussi notamment pour les affaires de justice en raison, entre autres, du respect du secret d’instruction et de la protection des sources. La difficulté est de bien identifier les gens à qui s’adresser et de bien définir ce que l’on va ou non écrire.
Vous êtes-vous déjà autocensuré ?
Je ne me suis jamais autocensuré au sens strict du terme. En revanche, j’ai délibérément refusé d’écrire des choses qu’on m’avait dites parce qu’elles allaient à l’encontre de la vérité, du droit et notamment de la liberté d’autrui. Selon moi, je n’ai donc pas censuré quelqu’un mais, au contraire, exercé mon métier de journaliste dont la base est la vérification des informations et le respect du cadre légal. Des gens ont essayé, à travers mes articles, de passer un avis réprimandable, un message allant à l’encontre des lois que je n’ai pas à relayer par droit mais aussi par devoir.
Est-ce que vous avez peur ou avez-vous déjà été menacé physiquement dans le cadre de votre métier ?
Certains m’ont gentiment indiqué leur volonté de me « casser la gueule », ce qu’ils n’ont finalement même pas fait. Ce n’est pas la crainte de deux dents en moins et d’un œil au beurre noir qui vont m’empêcher de travailler. Les ennuis ne me dérangent pas. Au contraire. Cela prouve d’une certaine façon que je fais bien mon boulot puisque que je dérange des gens qui n’ont pas une bonne vision du respect d’autrui, de la démocratie et de la liberté de la presse. En revanche, ce qui me fait peur, c’est qu’une personne puisse penser qu’une opinion est bonne, alors qu’elle est contraire au droit, uniquement parce que je l’ai relayé dans un article sans l’avoir suffisamment vérifiée.
A-t-on déjà essayé de vous corrompre ?
Je ne travaille pas sur des secrets d’Etat donc il n’y a aucune raison de me corrompre. En revanche, je suis souvent confronté au fait que certains confondent journalisme et publicité. Des artistes, par exemple, vous font des cadeaux, vous invitent au resto, vous parlent comme si vous étiez leur meilleur ami uniquement parce qu’ils attendent en retour que vous écriviez que leur disque est le meilleur. Et ce, même si vous le trouvez nul. Certains politiques essayent également de créer des relations de proximité, voire de connivence. On ne parle pas d’enveloppes d’argent sous la table mais la méthode peut s’apparenter à une forme de corruption à laquelle le journaliste se doit, au quotidien, de résister.
Est-ce que l’état d’urgence a changé quelque chose à votre liberté d’expression ?
Pas à ma liberté d’expression mais à l’exercice de ma profession. Dans certains domaines, il est désormais plus difficile d’obtenir des informations, d’aborder certaines sources ou de se rendre dans quelques endroits aussi librement qu’auparavant. En bref, on rencontre peu de soucis si l’on traite des sujets régionaux ou du quotidien, ce qui n’est pas le cas si l’on cherche des infos au niveau national sur des thématiques plus sensibles.
Propos recueillis par Morgane et William.